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mardi 5 juillet 2011

Pathologie de la muqueuse buccale




CAS No 1
Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un confrère
hospitalier pour traitement de lésions gingivales évoluant
depuis plusieurs mois, augmentant progressivement
de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du
brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant
d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophénolate
mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl®
10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen clinique
confirme la présence d’une hypertrophie gingivale
localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires.
Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la présence
de plaque dentaire.
Quel est votre diagnostic ?
Figure 1 : Lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois.
L. Ben Slama Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.
236
Réponse
Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit
d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine.
Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui
sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. Sa fréquence
est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à
4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt
ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de
la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle
important.
L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement
par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et
l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires
lympho-plasmocytaires.
Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la confirmation
histologique pouvant être apportée lors de l’examen
de la pièce d’exérèse.
Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en
l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de
deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j
pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même
mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près
de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne
fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri
électrique a été réalisée sur le volume excédentaire résiduel.
La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est continuée
à la même posologie, une recommandation de diminution
de la posologie avec suppléance par d’autres
immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été
faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène
plus rigoureuse.

Image en anesthésie-réanimation

Papillomatose buccale






Il s’agit d’un patient de 45 ans qui présentait une papillomatose
buccale étendue au palais et à l’épiglotte qui est complètement
envahie et infiltrée obstruant l’accès à l’orifice glottique
(fig. 1)
.
Après une simple laryngoscopie, la glotte est visualisée avec difficulté
et peut être intubée
(fig. 2).

Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités par bisphosphonates 5


Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités
par bisphosphonates
C A S C L I N I Q U E
La modification de la posologie des bisphosphonates
après l’apparition d’une ostéonécrose ne peut pas avoir
une incidence favorable immédiate sur l’évolution de la
lésion:en effet,les bisphosphonates absorbés n’ayant pas
été métabolisés, ils continuent à agir probablement
encore longtemps après l’arrêt du traitement; à titre
d’exemple, la demi-vie osseuse de l’alendronate varie
entre 1 à 10 ans selon le turn-over osseux20.
La physiopathologie de ces ostéonécroses n’est pas
totalement élucidée et plusieurs hypothèses sont évoquées.
Les bisphosphonates agissent sur les ostéoclastes
et provoquent une diminution du remodelage
osseux, donc une augmentation de la minéralisation
osseuse21 et, secondairement, une diminution de la
vascularisation osseuse comme dans toute affection
ostéo-condensante. L’effet anti-angiogénique, propre
aux aminobisphosphonates (principalement le zolédronate)
5, pourrait participer à la diminution de la
vascularisation. Les ostéonécroses sont donc très certainement
d’origine ischémique et, comme les bisphosphonates
ne sont pas métabolisés, le degré de
minéralisation et d’ischémie est sans doute en rapport
direct avec la dose cumulée.
D’autres facteurs, hormis ceux évoqués ci-dessus, ont
peut être un rôle pour expliquer la localisation exclusive
aux maxillaires. Dans les cas publiés, on trouve
peu de précisions sur les raisons qui ont motivé les
extractions dentaires qui, pour la plupart des auteurs,
auraient déclenché le processus d’ostéonécrose. Le
plus souvent, il semble plutôt s’agir d’un accident
infectieux ou inflammatoire, favorisé par l’ostéonécrose;
dans cette hypothèse, l’extraction dentaire révélerait
l’existence de l’ostéonécrose et elle n’en serait
donc pas la cause directe.
La présence d’une dent avec une atteinte
parodontale – ce qui signifie l’existence
d’une solution de continuité de la
muqueuse – favorise la contamination, à
partir de la flore buccale, de l’os en voie de
nécrose et cette contamination pourrait
même participer à l’apparition et l’extension
du processus de nécrose.
Comme dans la plupart des cas publiés,
le traitement comportait aussi une chimiothérapie
et/ou une radiothérapie ;
certains auteurs en ont déduit que les
bisphosphonates joueraient seulement le
rôle de co-facteur19. Cette hypothèse
étiopathogénique ne permet pas d’expliquer
les cas où on ne retrouve pas cette
association thérapeutique (par exemple,
le troisième et le huitième cas dans notre
10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
Figure 5 Séquestre osseux d’aspect caractéristique (cas n° 1) : les travées, à bords
irréguliers, présentant un remaniement ostéoclasique sans ostéoclastes ; les logettes
ostéocytaires sont vides et, par endroits, on observe des amas de germes.
Figure 4 Scintigraphie osseuse au Tc 99m (cas 1) montrant plusieurs
foyers hypercaptants. Cet examen ne permet pas de différencier
la nature des foyers : les foyers costaux font suspecter une origine
tumorale, celui du maxillaire correspond à l’inflammation induite
par l’ostéonécrose étendue ; cette inflammation touche même
le sinus maxillaire gauche.
© DR
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La Presse Médicale - 1077
S.Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel, P. Lesclous, T. Lombardi, J.Samson
10 septembre 2005 • tome 34 • n°15
série). Il semble que l’ostéonécrose résulte principalement
d’une augmentation excessive de la minéralisation
secondaire à une dose accumulée de bisphosphonates
trop importante. Il serait donc souhaitable
d’entreprendre des investigations complémentaires
pour préciser le mode d’action et la demivie
des bisphosphonates, afin de trouver la posologie
la mieux adaptée pour chaque patient et/ou
pour chaque affection. Enfin, tant que les mécanismes
physiopathologiques de cette ostéonécrose
ne seront pas mieux connus, on ne pourra pas
s’empêcher de faire un parallèle avec l’ostéonécrose
des maxillaires due à la toxicité du phosphore22.
En attendant ces précisions, avant de prescrire des bisphosphonates,
le patient doit être informé de cette complication
éventuelle et éliminer les facteurs favorisants
potentiels.Les interventions de chirurgie implantaire doivent
être également déconseillées aux sujets en cours de
traitement23 ou ayant été traités récemment. Une mise
en état de la denture (soins d’hygiène et élimination des
foyers infectieux bucco-dentaires, traitement des caries,
contrôle de l’adaptation des prothèses amovibles)
devrait être réalisée systématiquement afin de limiter les
interventions et les soins dentaires pendant le traitement.
Lorsqu’un foyer d’ostéonécrose est apparu, il
semble judicieux de procéder, sans trop tarder, à l’ablation
de l’os nécrosé. C’est la meilleure façon de supprimer
l’exposition osseuse car sa persistance favorise l’infection
et entraîne une augmentation probable de la
taille du séquestre.